Arianna, première opératrice chez Enel
Elle a 27 ans et elle est technicienne. Il a fallu mettre en
place un vestiaire pour dames pour elle. Ses collègues la protègent et le
disent sans détour : elle est super intelligente.
Lorsque vous la voyez, menue, au regard doux derrière des
lunettes rondes, ongles manucurés, affable, vous ne croiriez jamais que cette
fille travaille dans l’électricité, en équilibre sur des pylônes. C’est le genre
de fille que les hommes aiment protéger, celle qu’ils approchent de manière
galante et disent: «Votre voiture est en panne? Votre batterie est déchargée,
je pense. "
Mais en fait, Arianna pourrait en manger, des batteries de
voiture, à son petit déjeuner, car elle sait comment s’y prendre avec le courant
électrique, beaucoup mieux que n’importe quel homme galant en veine de
rencontre: c’est la seule femme qui travaille dans un groupe de 600 homme chez
Enel, plus précisément ils sont 627. Plus Arianna.
Ce sont ces gens qui mettent, physiquement, les mains sur
les câbles à travers lesquels l’électricité circule à une intensité impensable
pour arriver jusqu’à nos maisons; ce
sont eux qu’on appelle, en pleine nuit, quand l'alimentation est coupée et nous sommes
perdus, dans le noir, pensant aux tranches de veau dans le congélateur qui se
perdent.
Arianna, seule femme
parmi 600 travailleurs de sexe masculin. Newfotosud Sergio Siano
Jusqu'à il y a peu de temps, cette petite armée se composait
exclusivement d’ hommes. Puis un jour, elle est venue, et les choses ont
changé, que dis-je: "Pour nous, elle est comme tout le monde", disent
ses collègues et ses supérieurs, et elle confirme avec un sourire. Bien sûr, ils
ont dû mettre en place un vestiaire pour dames, mais ce fut la seule obligation
à remplir après l'arrivée d'Arianna dans le monde d’Enel. "Parce que je suis comme tout le monde –
dit-elle, sereine - je tente de faire de mon mieux dans chaque intervention» .
À vrai dire, elle fait mieux certaines tâches que ses collègues masculins, mais
silence, il ne faudrait pas en vexer certains.
Photo de Sergio Siano |
Vingt-sept ans, inscrite en génie électrique à Federico II,
elle est née et a vécu à Piscinola où elle réside encore. Une vie de petite fille comme tant d‘autres, sauf qu'au lieu de jouer avec des poupées, elle a
joué avec des composants électriques. «Excentricité de gamine," pensait la mère.
Le père n’a pas réagi, car "il voulait un garçon et je jouais avec des composants électriques et ça lui plaisait», explique Arianna en riant.
Ce n’était pas des «excentricités de gamine », la mère l’a compris quand
Arianna a choisi l’enseignement supérieur: «Je veux être technicienne,"
dit-elle un matin. Elle est allée s’inscrire dans une école où on pouvait
compter les filles sur les doigts d’une seule main, un prélude à son poste
actuel. Excellentes notes à l'école, où elle a rencontré Gennaro, son petit ami
actuel. Ensuite, le diplôme de technicienne spécialisée en électronique
industrielle et en automatisme, suivie d’une
opportunité d’emploi: un entretien d’embauche chez Enel en Juin 2010.
"Nous vous ferons connaître notre décision," ont dit ses
interlocuteurs avant de la renvoyer chez elle ; Arianna pensait avoir
échoué. Puis, trois ans plus tard, Enel l’a rappelée: voulez-vous essayer à
nouveau? La suite, c’est ce poste. Sous contrat de stage en 2013, puis
apprentie, et, enfin, elle a pu revêtir ce merveilleux costume bleu et orange.
Pour vous, lecteurs, il semblerait que cet accent mis sur la combinaison de travail soit exagéré, mais vous savez, à voir l'enthousiasme que montre
Arianna quand elle parle de sa "mission" avec cet uniforme, le ton de
notre texte semble plutôt modéré.
Cette jeune femme affable et souriante n’a pas changé d'idée: «J’ai travaillé pour y arriver et j’en suis fière." Cela
ne la dérange pas d’être dans un monde d'hommes, au contraire, elle en est
heureuse; un peu parce qu'elle est choyée par tous, un peu parce qu'il est
amusant de découvrir les regards étonnés quand les autres se rendent compte
que, petite et aux cils maquillés, elle est en mesure de monter sur une échelle
et d’analyser d’où vient le problème.
Vie d’opératrice comme les autres, y compris l’astreinte de
nuit qui oblige à prendre la route. Changements d'équipe sans tenir compte du sexe,
parce qu'il serait injuste de faire des différences avec le reste du groupe. Au
travail exactement comme les autres, mais la famille, les amis, qu’en
pensent-ils? Ses collègues disent que son fiancé est jaloux de son travail,
mais Arianna dément fermement : "Nous nous aimons et nous nous
réjouissons des succès de l’autre." Tandis que ses amis ... "Bien sûr, c’est bizarre de
rentrer à la maison avec la combinaison de travail et le casque dans le coffre.
Mais quand je sors avec des amis, je redeviens une femme. Évidemment, je ne
serai jamais comme ma sœur, en jupe et
talons hauts. Je mets des jeans et baskets mais je ne suis pas un garçon manqué
".
D’ailleurs, Arianna chante dans la chorale de la paroisse de
Saint-Sauveur de Piscinola quand elle le peut. Les choristes disent qu’elle
chante très bien aussi; de plus, quand le micro saute, elle peut tout remettre en place en un éclair,
mais ce ne sont que des rumeurs du quartier: alors, une fille en chair et en os
peut-elle réparer l’installation électrique de l’église… oui ou non ?
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